Métamorphisme - minéraux symptomatiques de conditions HP (suite)
1.
LES AMPHIBOLES SODIQUES
1.1.
Rappels sur la composition chimique et le champ de stabilité des
amphiboles sodiques
1.1.1. Composition
chimique
La composition chimique des amphiboles sodiques varie entre quatre pôles
suivant les paramètres
Fe2+
Fe3+
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯
(W.G. ERNST, 1963)
Fe2+ + Mg
+ Mn
Fe3+
+ AlIV
Ces quatre pôles sont:
- le glaucophane Na2
Mg3 Al2 Si8 O22 (OH)2
- le ferroglaucophane Na2
Fe32+ Al2 Si8 O22 (OH)
- la riébeckite Na2
Fe23+ Si8 O22 (OH)2
- la magnésioriébeckite Na2
Mg3 Fe23+ Si8 O22 (OH)2
Les termes intermédiaires sont groupés sous le nom de crossite.
1.1.2. Champ
de stabilité
Les limites du champ de stabilité des amphiboles sodiques varient
suivant leur composition chimique.
Ainsi les termes riches en Al (glaucophane s. l. et crossite) sont
limités à des conditions de haute pression et de basse température (faciès
des schistes bleus). Par contre les termes riches en Fe3+ (riébeckite-magnésioriébeckite)
se rencontrent aussi bien dans des roches ignées et des gneiss alcalins que
dans des roches métamorphiques de plus basse température et même à l'état
authigénique (W.G. ERNST, 1963).
Un paramètre chimique essentiel influe sur le type minéralogique du
cristal formé, c'est la pression d'oxygène; si le milieu dans lequel s'est
constituée la roche originelle est oxydant, la forme ferrique de l'élément Fe
est favorisée, ce qui détermine la cristallisation de la riébeckite ou de la
magnésioriébeckite, mais dans des conditions physiques qui peuvent être très
différentes de celles qui seraient nécessaires à la cristallisation de leurs
homologues alumineux dans un milieu réducteur; en fait riébeckite et Mg-riébeckite
sont compatibles avec un vaste champ de pressions et de températures (elles
sont seulement exclues des faciès HP-HT) (J.R. KIENAST, comm. orale).
Seules les amphiboles sodiques de type glaucophane ou crossite sont
caractéristiques d'un domaine restreint de ce champ, représenté dans la
figure 108 (courbe établie par W.V. MARESCH, 1977, pour un glaucophane).
1.2.
Amphiboles sodiques d'Amorgos
1.2.1. Origine
des échantillons
Les amphiboles sodiques découvertes à Amorgos proviennent toutes des
niveaux de base du conglomérat polygénique d'âge triasique affleurant autour
de la baie de Kapsala (fig. 109 et voir coupe
fig. 16).
1.2.2. Description
pétrographique des échantillons
Les amphiboles bleues s'observent dans certains éléments du conglomérat
qui présentent, à l'examen macroscopique, un aspect de schistes verdâtres.
Ces éléments sont aplatis parallèlement à la schistosité S1 qui affecte la
roche tout entière. Dans ces éléments, on distingue fort bien, à l'œil nu,
des cristaux vert sombre, avec parfois des reflets bleuâtres, dont la taille
atteint quelques millimètres, et présentent des clivages nets.
Description de quelques lames minces:
LM. 570 B (fig. 110): cette lame montre l'existence
de deux phases phylliteuses microcristallines:
-
une phase jaunâtre (lumière naturelle) dans laquelle subsistent des reliques
d'une amphibole sodique, présentant un pléochroïsme caractéristique, allant
du jaune au violet, en passant par le bleu lavande;
- une phase très claire qui ne renferme aucune relique de minéral pré-existant.
En dehors du fond microcristallin, on distingue des cristaux de mica
blanc (phengite) et de chlorite. Le sphène, épars dans toute la lame, est
abondant; on y trouve parfois du rutile en reliques.
Les
deux phases phylliteuses ainsi que les restes d'amphibole sodique et les
phengites présentent, suivant la section, un allongement traduisant une
schistosité pénétrative ayant provoqué la néoformation de ces minéraux.
La
présence des phases phylliteuses microcristallines (qui remplacent de grands
cristaux préexistants) résulte vraisemblablement d'une transformation rétrométamorphique.
LM. 571: l'élément du conglomérat montre une
texture grenue. Il se compose en majeure partie de grands
cristaux
non allongés d'amphibole sodique, partiellement remplacés par des minéraux
phylliteux de teinte jaunâtre, produits d'une rétromorphose; les contours de
ces grands cristaux évoquent des pyroxènes, qui auraient été pseudomorphosés
en amphibole sodique au cours d'une phase de métamorphisme. Le sphène, en
petits cristaux, est très abondant. On note aussi la présence de quartz, amœboïde,
paraissant tardif.
LM. 573: la roche a été moins sensible à la rétromorphose
et conserve de très beaux cristaux d'amphibole
sodique,
minéral qui, après sa formation, devait constituer, avec le sphène, la
presque totalité de l'élément (glaucophanite).
1.2.3. Composition
chimique
Le tableau suivant donne les résultats de l'analyse chimique effectuée
à la microsonde CAMECA du Laboratoire de Pétrographie de l'Université Pierre
et Marie Curie par J.R. KIENAST, et portant sur quatre cristaux distincts de l'échantillon
LM. 570 B.
N° d'ordre des cristaux analysés
1
2
3
4
POURCENTAGES
PONDERAUX DES OXYDES
SiO2
56,512
55,896
55,280
54,816
TiO2
0,147
0,074
0,336
0,113
Al2O3
7,690
9,028
9,054
7,659
FeO (total)
17,910
17,325
16,542
18,187
MnO
0,301
0,244
0,342
0,388
MgO
7,327
7,250
7,719
7,928
CaO
0,316
0,568
0,623
0,325
Na2O
6,762
6,600
7,061
7,230
K2O
0,029
0,010
0,038
0,081
PROPORTION DES ELEMENTS
(POUR 24 OXYGENE)
Si
8,032
7,934
7,854
7,856
Ti
0,016
0,008
0,036
0,012
Al
1,289
1,511
1,517
1,294
Fe3+
0,542
0,465
0,463
0,676
Fe2+
1,587
1,592
1,503
1,504
Mn
0,036
0,029
0,041
0,047
Mg
1,552
1,534
1,635
1,694
Ca
0,048
0,086
0,095
0,050
Na
1,864
1,817
1,946
2,010
K
0,005
0,002
0,007
0,015
1.2.4. Place
des amphiboles sodiques d'Amorgos dans le système
glaucophane -
Fe-glaucophane - riébeckite - Mg-riébeckite
La figure 111 montre que les amphiboles sodiques d'Amorgos ont des
compositions de crossite et de glaucophane, à peu près à mi-distance du pôle
ferreux et du pôle magnésien. Il s'agit donc bien de minéraux caractéristiques
d'un métamorphisme haute pression - basse température.
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